Nous le savons, depuis que la formation professionnelle est financée en France, les organismes de formation sont tenus de justifier de la réalisation des formations.
Cette exigence bien comprise est destinée à éviter ou limiter la fraude qui peut consister pour certains acteurs mal intentionnés à mobiliser des fonds sans que les formations ne soient réellement réalisées ou sans qu’elles ne soient
réalisées conformément à l’objet pour lequel le financement a été mobilisé. Ces pratiques frauduleuses doivent bien sûr être condamnées.
Dans les activités de formation en présence des stagiaires (autrement dit en «présentiel»), nous savons que, à l’origine, ce sont les feuilles de présence émargées par les stagiaires qui ont permis de justifier des formations réalisées (ce qui s’est appelé ensuite la justification du service fait).
Aucune disposition légale et réglementaire n’a jamais défini clairement les mentions qui devaient figurer sur ces feuilles d’émargement.
Au fil du temps, une doctrine administrative de contrôle s’est répandue aux fins d’exiger que ces feuilles d’émargement soient signées non seulement par les stagiaires, mais également par les formateurs et ce, pour chaque séquence (demi-journée par exemple). .Et puis, par la suite, il est apparu que les mentions essentielles devaient être les suivantes :
-
date de la formation,
-
thème de la formation ou matière enseignée
-
horaires de la formation,
-
identité de chaque stagiaire,
-
signature de chaque stagiaire,
-
identité du formateur,
-
signature du formateur.
Encore aujourd’hui, certains organismes de formation se font reprocher à l’occasion d’un contrôle de ne pas avoir respecté ces mentions dites « obligatoires » sur les feuilles de présence, ce qui conduit assez souvent à une présomption d’inexécution des actions de formation selon l’administration.
Et puis, la doctrine administrative a continué d’évoluer, de façon assez désordonnée selon les régions, et il a été indiqué ensuite que les feuilles de présence signées du stagiaire et du formateur étaient insuffisantes pour justifier de la réalisation des formations.
À partir de 2009/2010, il a été exigé à l’occasion des contrôles que les organismes de formation produisent également la preuve des évaluations réalisées par les stagiaires, mais aussi la preuve de l’envoi des informations précontractuelles au stagiaire, ainsi que la preuve de la remise d’une attestation de formation au stagiaire (laquelle a ensuite été supprimée par la loi du 5 septembre 2018).
Les éléments de preuve requis
Petit à petit, l’administration a raisonné à travers un faisceau d’indices pour apprécier, au cas par cas, l’existence ou pas de justifications suffisantes de la réalisation des formations.
Comme à chaque fois qu’une doctrine administrative se met en place, il y a eu des distorsions d’appréciation d’une région à l’autre.
Et puis, il y a eu la formation à distance qui s’est développée avec une nouvelle doctrine de contrôle, laquelle a porté sur la justification des temps de connexion, sur la justification des évaluations réalisées par les stagiaires et la preuve de l’assistance technique et pédagogique mise en œuvre.
En effet, il a rapidement été constaté que les temps de connexion ou la preuve d’une présence du stagiaire derrière l’écran n’était pas suffisante à justifier du service fait, ce qui se comprend.
Je déplore néanmoins qu’il n’y ait pas de règles suffisamment claires pour déterminer les obligations des organismes de formation sur la nature des preuves qu’ils doivent fournir en cas de contrôle.
Seuls les initiés à la doctrine administrative de contrôle parviennent à identifie assez clairement les éléments de preuve qui doivent être fournis en cas de contrôle.
Les cas de figure sont d’ailleurs assez divers car, en matière de formation à distance, la preuve de la réalisation ne sera pas identique selon qu’il s’agit d’un module de formation synchrone ou asynchrone.
Nous avons donc un travail d’anticipation à mettre en œuvre.
– D’abord, il doit être recommandé de bien respecter les obligations d’information précontractuelles qui figurent à l’article L.6353-8 du Code du travail (et celles qui sont prévues par les CGU de Mon Compte Formation dans le cadre du CPF), ainsi que les règles du Code de la consommation (lorsque la vente de formation se réalise en B to C).
Ensuite, il faut veiller à mettre en œuvre les meilleurs procédés de suivi et de traçage de la réalisation des parcours de formation (incluant la preuve de la réalisation des évaluations), qu’ils soient à distance ou en présence des stagiaires.
Enfin, il faut veiller à cultiver et entretenir la preuve des objectifs de la formation, du déroulement de la formation, des supports et outils pédagogiques utilisés ainsi que des moyens mis en œuvre (notamment les formateurs avec la preuve de leurs diplômes, titres et références en lien avec la prestation de formation).
C’est l’ensemble de ces éléments, clairement identifiés, qui permettent d’assumer dans de bonnes conditions un contrôle de service fait par un opérateur de compétences (OPCO) ou un contrôle administratif et financier par le service de contrôle de la DRIEETS ou de la DREETS.
Il ne faut pas oublier naturellement les CFA qui, même s’ils perçoivent un financement selon un coût forfaitaire de la part des opérateurs de compétences (OPCO), sont soumis aux mêmes règles en cas de contrôle.
Nous voyons ici que, à ce stade, nous n’en sommes qu’à un contrôle de service fait ou un contrôle administratif, et non à un contrôle de service (bien) fait.
Même si la doctrine administrative a largement évolué pour contrôler non seulement la présence des stagiaires, mais aussi la réalité des objectifs et des moyens mis en œuvre, nous n’en sommes pas encore à un contrôle des qualités pédagogiques. La loi l’exclut d’ailleurs très clairement.
J’ai remarqué que certains acteurs croient pouvoir se réfugier derrière la certification en matière de qualité sur la base du référentiel QUALIOPI pour entretenir l’idée (fausse selon moi) que ladite certification serait un gage de contrôle des qualités pédagogiques.
Il suffit de pratiquer un tant soit peu les organismes de formation pour se rendre compte que ce référentiel de qualité n’a vraiment cette vertu, et de nombreux acteurs (y compris au sein des pouvoirs publics) l’admettent désormais tant la réalité est cruelle : nombre de fraudes et d’indigences en tous genres sont détectées à l’occasion des contrôles de l’administration concernant des organismes de formation qui ont pourtant satisfait à toutes les exigences du référentiel QUALIOPI.
Le seul contrôle pédagogique organisé par la loi est celui qui concerne les CFA pour les formations en apprentissage conduisant à un diplôme ((notamment par rapport au regard du référentiel de chaque diplôme concerné).
Pour l’avenir, je continue de penser qu’il serait opportun d’imaginer et d’instaurer un modèle de contrôle pédagogique (en s’inspirant peut-être de celui qui existe dans le droit de l’apprentissage pour les formations diplômantes), plutôt que de se perdre dans un millefeuille légal ou doctrinal d’exigences administratives et juridiques dont l’efficacité est manifestement très relative.
Par-dessus tout, il me paraît impératif de clarifier les règles du jeu pour les OF et les CFA, lesquels découvrent, pour certains d’entre eux à l’occasion d’un contrôle, des exigences issues de la doctrine administrative de contrôle méconnue du plus grand nombre. Sans compter que cette doctrine de contrôle peut varier selon les régions, ou même selon les personnes en charge du contrôle à l’intérieur d’un même service de contrôle !
Je crois néanmoins que nous devons tous contribuer à cette clarification. C’est l’objet de la présente qui est (peut-être) une première pierre à l’édifice dans l’attente d’un texte légal ou réglementaire dans ce domaine.
L’espoir fait vivre !