Kokoroe : Former avec le cœur


Rencontre avec Béatrice Gherara, co-fondatrice de Kokoroe, la plateforme de formation aux métiers et compétences de demain.

 

Dans le monde de la EdTech, on fait de belles rencontres.
Vous en doutez ?
Les start-up de l’éducation et de la formation sont bien trop éloignées de votre univers et de vos valeurs ?

Eh bien prenez quelques instants pour découvrir l’histoire de Kokoroe et de ses fondatrices.

Oui j’ai bien dit fondatrices, car ce sont 3 femmes, 3 amies d’enfance qui ont su imposer leur style et leur vision dans un univers (avouons-le carrément) encore très masculin !

Ne me demandez pas comment mes pérégrinations de veilleuse m’ont amenée à visionner le replay d’une interview des créatrices de Kokoroe… mes journées sont émaillées de recherches de contenus en arborescence !

En revanche, je me souviens parfaitement d’avoir été captivée à leur écoute et surtout totalement interpellée…Interpellée par la fraicheur, la simplicité et l’audace de leur ton.
Interpellée par leur capacité à rebondir et à comprendre leur marché.
Interpellée par la modernité de leurs contenus de formation, des sujets qu’elles adressent, et de l’environnement très « pop culture » de leur plateforme.

Interpellée enfin par le succès qu’elles rencontrent auprès de grands comptes dans tous secteurs d’activité.

Il ne me restait plus qu’à contacter l’une de ces 3 super-héroïnes de la formation pour vous faire partager un peu de leur parcours (loin d’être un long fleuve tranquille), de leur expérience et surtout de leur enthousiasme si communicatif.

Rencontre avec Béatrice Gherara.

 

VF : Béatrice bonjour, peux-tu nous parler de la genèse de Kokoroe ? Quel était votre objectif en créant cette structure à trois ? Et surtout pourquoi avoir choisi ce nom « Kokoroe » ?

Raphaëlle et Élise Covilette sont jumelles et nous sommes amies d’enfance.

Nous étions toutes les trois plutôt épanouies dans nos situations professionnelles respectives mais à l’aube de nos 30 ans, nous avions envie d’un challenge qui nous faisait vibrer et qui aurait un impact positif pour nous comme pour les autres.

Nous avions une appétence particulière pour le monde de l’éducation du fait de nos expériences professionnelles ou de notre culture familiale. Nous avons donc choisi de nous lancer en 2016 et de créer Kokoroe.

Kokoroe vient du japonais et signifie « apprendre avec le cœur ». Cela correspond vraiment à la vision pédagogique que l’on souhaitait insuffler. Nous sommes convaincues que lorsque l’apprenant prend du plaisir, lorsque le sujet le surprend, fait appel à ses émotions, il apprend avec plus d’efficacité.

Pourtant, malgré nos excellentes intentions, nous n’avons pas immédiatement rencontré notre marché !

Au départ Kokoroe était une plateforme d’échanges de savoirs entre particuliers. Elle a suscité d’excellents retours, généré beaucoup d’inscriptions et nous a permis d’effectuer notre première levée de fonds. Mais c’était un vrai panier percé. Une fois les personnes en relation, elles échangeaient leurs cours particuliers directement sans passer par la plateforme.

Il était clair pour nous que nous nous inscrivions en opposition aux usages et qu’il nous fallait nous réinventer, pivoter.

C’était un constat assez difficile à admettre au bout de 25 mois mais c’était un fait !

Au même moment, nous constations que sur notre plateforme les cours les plus prisés étaient ceux qui adressaient une thématique professionnelle, de progrès.

On a donc jeté une grosse partie du code à la poubelle et en 2018 on est reparties de zéro avec une nouvelle version du site qui présente un catalogue de formations professionnelles sur 3 grandes thématiques : compétences humaines, savoir-faire technique et formations transverses qui traitent des sujets incontournables du moment.

On voulait que notre environnement reste ludique et très facilement identifiable par tous.

On s’est donc inspirées de la pop culture (série, super-héros, films) et de plateformes de diffusion comme Netflix, Spotify ou autres dont les usages cartonnent. Le but était de rester dans une tonalité très fraiche, inclusive, qui donne envie de se connecter.

Dès la première année, de grands comptes nous ont fait confiance.

 

VF : Et justement comment avez-vous réussi à approcher ces clients ?

Avec du culot !

Je crois sincèrement que lorsque l’on s’adresse à une personne avec intelligence, respect, en apportant une valeur ajoutée et sans tomber dans le harcèlement, cette personne écoute.

Le fait que nous soyons trois femmes nous a parfois fermé des portes c’est vrai, [comme cet investisseur qui nous a demandé quelle était la « roadmap de nos grossesses » sic !]

Mais cela nous a également permis de nous différencier, d’aller chercher des fonds dédiés aux femmes dans la Tech et de rencontrer des business angels sans préjugés qui apprécient, pour les avoir éprouvées, les qualités de gestionnaires des entrepreneuses !

 

VF : Comment avez-vous construit votre offre de formation ? Quel a été votre crédo ?

On s’est dit 3 choses :

  • Il n’y a pas assez de fun dans la formation professionnelle. Le champ des possibles est immense lorsqu’il s’agit de donner envie au salarié de se former.
  • Les catalogues de formation sont très souvent poussiéreux et pas assez remis à jour en fonction des thématiques qui font ou feront le quotidien.
    On a vite compris que la clé c’était de pouvoir créer et sortir de nouvelles formations rapidement pour être au plus près de l’actualité et des apprenants. Cela veut dire une vraie capacité à s’informer, à suivre l’actualité et à partager ces informations avec les équipes pédagogiques.
  • La 3e conviction que nous nous sommes forgée c’est qu’on ne parle pas assez d’inclusion (handicap, genre, égalité homme-femme, diversité) et d’écologie alors qu’aujourd’hui si tu ne traites pas ces thématiques en entreprise, si tu ne formes pas tes salariés et managers sur ces sujets, tu t’exposes à de grosses problématiques et tu n’es plus du tout attractif pour les jeunes générations.

Ça a été fondateur pour nous et c’est toujours sur ces bases que nous avançons.

 

VF : Et justement, pour être en permanence connectés à l’actualité et aux besoins du marché, comment faîtes-vous ?

Nous avons trois sources d’orientation et d’inspiration :

  • Les requêtes SEO, c’est-à-dire les mots-clés les plus recherchés sur le web. C’est un premier signal important qui ne doit pas être pris pour argent comptant mais donne une première tendance.
  • Une veille poussée sur différentes sources (media transverses ou spécialisés) que l’on partage entre nous
  • Et bien sûr les retours de nos clients ! Ils expriment des besoins auxquels on se doit de répondre. Nos équipes sont formées pour détecter ce besoin et le remonter dans nos outils collaboratifs.

Ensuite on a des cycles de production de formation chaque mois avec un process très précis.

Toutes nos formations sont créées en interne avec nos propres ingénieurs pédagogiques et nos propres outils de production de façon à gagner en rapidité et en agilité, et de façon également à conserver une parfaite cohérence pédagogique.

Nous avons une vision très « processée », séquencée et modélisée pour garder un même niveau d’exigence et de qualité.

 

VF : Merci pour ce partage passionnant ! À ton avis, comment va évoluer le marché de la formation à court ou moyen terme ?

Je n’ai bien sûr pas de boule de cristal mais je constate que deux tendances se dégagent clairement sur deux types de format.

D’une part, les formations longues dans une logique d’insertion ou de reconversion. Elles sont incontournables car les nouvelles technologies vont obliger beaucoup de personnes à changer d’orientation ou à se former techniquement avec précision.

L’autre format, à l’opposé, est celui de formations de plus en plus courtes qui permettent de se mettre à niveau sur un sujet donné pour conserver un niveau de connaissance métier ou un vernis culturel au sein de l’entreprise dans laquelle tu évolues.

On le sait, le niveau d’attention de l’apprenant est de plus en plus court. La formation doit être captivante et l’on doit être exigeant sur la qualité du contenu et du design de formation.

 

VF : Chez Kokoroe vous produisez ce second type de format. Comment cela se traduit-il pour vous en termes d’enjeux présents et à venir ?

Nous nous sommes toujours adressés aux entreprises dans une logique de « reskilling »/ « upskilling » de leurs collaborateurs. Notre enjeu est de proposer une large palette de sujets car les compétences humaines sont sans fin.

Il y a donc un gros enjeu de connexion à l’actualité, aux tendances et besoins exprimés.

Nous devons également développer le multi-langues pour toucher tous les sites de nos clients : aujourd’hui nous proposions 4/5 langues et demain nous passerons à 11 langues.

 

VF : Chez Kokoroe, vous vous adressez quasi exclusivement à de grands comptes qui n’ont pas accès au financement de leur plan de développement des compétences et donc vous sollicitez peu voire pas les fonds publics ou mutualisés. Pourtant vous avez choisi de passer prochainement votre certification Qualiopi. Pourquoi ?

C’est une démarche très vertueuse et un gage de qualité rassurant pour nos clients.

Cela nous permet de revisiter tous nos process et d’implémenter des logiques que nous ne nous appliquions pas jusqu’ici.

Par exemple, grâce à Qualiopi, nous allons plus loin dans l’évaluation de la compréhension de l’apprenant et de son atteinte des objectifs de la formation.

Cela nous permet aussi de valider nos bonnes pratiques naturelles comme la veille sans laquelle nous ne pourrions pas concevoir notre catalogue, la co-construction des formations avec nos clients en fonction de leurs attentes, ou la conception collaborative de nos formations avec un haut niveau de compétences et de coordination des équipes.

 

VF : Si tu avais un conseil à donner aux organismes de formation qui souhaiteraient se lancer dans la digitalisation de leur formation…

D’abord ne pas s’épuiser à vouloir digitaliser l’intégralité de leur catalogue en une seule fois.

Mieux vaut choisir une formation test, au sujet prioritaire. Cela permet de capitaliser sur des succès rapides, d’engager ses équipes, de revoir ce qui ne va pas, de débloquer des budgets.

Au début on fait beaucoup d’erreurs. Être dans une logique d’itération permet d’intégrer les retours clients et apprenants et de réajuster immédiatement avant d’engager du temps et de l’argent.

Ensuite ne pas oublier que la construction d’une formation se fait en équipe.
Nos ingénieurs pédagogiques travaillent de façon très collaborative. Même si l’un traite au principal le sujet, il y a toujours une relecture par ses collègues et un apport complémentaire. Le regard neuf est important surtout sur un parcours de formation digital très scénarisé.

Quant au choix des outils/ solutions pédagogiques ou de rédaction, nous avons opté pour des outils qui facilitent la collaboration et qui sont simples à utiliser en interne.
Cela nous évite de faire appel à des free-lances, ce qui ralentirait le processus de conception de nos formations.

 

VF : Qu’est-ce que l’on peut souhaiter à Kokoroe pour l’avenir ?

Je dirais, de continuer de grandir sans se trahir !

Cela passe par deux choses selon moi.

Conserver notre positionnement identifiable et fort sur des sujets auxquels on croit. Et surtout conserver notre équipe, aux multiples talents, ainsi que l’ambiance de travail que nous avons su créer ensemble.

Nous sommes, Raphaëlle, Elise et moi, très fières d’eux et très fières que Kokoroe soit une entreprise où l’on a plaisir à travailler et à évoluer !

 



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