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De quels types de compétences les entreprises vont-elles avoir besoin à horizon 2030, quand l’intelligence artificielle, et particulièrement l’IA générative, va se déployer à grande échelle dans l’économie ? Une étude de l’Institut de l’entreprise, réalisée en partenariat avec le cabinet McKinsey & Company, estime que près de 27% des tâches réalisées par les salariés français pourraient être confiées à l’IA d’ici à 2030. « Aux États-Unis, ce chiffre s’élève à 30%. À l’horizon 2035, ce potentiel s’élèverait même à 45% en France et en Europe, et à 48% aux États-Unis, reflétant une augmentation continue du potentiel de l’IA au cours de la prochaine décennie », pointe l’étude intitulée « L’IA et l’évolution des compétences en France ».
1,7 million de mobilités professionnelles d’ici 2030
Conséquence, les métiers vont évoluer, de même que les besoins en compétences sur le marché du travail. « Les transformations du marché du travail induites par l’accélération technologique pourraient augmenter sensiblement la demande de travailleurs dans les domaines scientifiques, techniques, d’ingénierie et de mathématiques (STIM), de l’ordre de 16% d’ici à 2030, soit environ 300 000 salariés », écrivent l’Institut de l’entreprise et McKinsey. A cela va s’ajouter le vieillissement de la population et un taux de natalité plus soutenu en France que chez nos voisins européens, portant la demande des métiers de la santé (+23% à +28%, soit 800 000 emplois additionnels).
Au total, il faut s’attendre à ce que 1,7 million de personnes soient contraintes de changer de métier d’ici 2030, ce qui représenterait 6,3% des salariés français. Dans un scénario où l’adoption de l’IA générative serait moins rapide, l’étude chiffre le volume de mobilités professionnelles à 1,2 million, soit 4,4% des salariés, toujours à horizon 2030. « Organiser 100 000 à 200 000 mobilités professionnelles par an, entre 2024 et 2030, supposerait de doubler le rythme observé entre 2016 et 2019 — un défi certain, mais que la France a déjà connu lors de la pandémie, puisque 300 000 employés avaient changé d’activité entre 2019 et 2022 », note l’étude.
Hausse des besoins en compétences technologiques et relationnelles
Au-delà de ça, l’Institut de l’entreprise et McKinsey s’intéressent aux types de compétences dont les besoins vont augmenter ou, à l’inverse, décroître dans un monde de l’entreprise où l’IA générative sera bien plus présente. Pour ce faire, ils s’appuient sur des données du McKinsey Global Institute, qui a analysé comment l’IA serait susceptible d’augmenter ou de réduire le temps consacré pour 850 métiers aux 2 100 tâches qu’ils induisent. A cela s’ajoute une enquête réalisée auprès de 1 100 dirigeants et membres de comité exécutif dans cinq pays : l’Allemagne, les États-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni.
Voici ce qu’il en ressort :
- Léger déclin des besoins en compétences physiques et manuelles
D’ici 2030, les besoins en compétences physiques et manuelles devraient perdre du terrain, sans pour autant disparaître. Parmi celles qui pourraient reculer le plus, les tâches d’inspection et surveillance, les compétences artisanales et techniques et enfin les opérations d’équipement et navigation. « Si les compétences physiques et manuelles ne sont pas vouées à disparaître, elles pourraient néanmoins connaître un léger déclin, les dirigeants français s’attendant à une baisse de 3% à 5% de la demande. Ceci contraste avec l’Europe et les États-Unis où les dirigeants s’attendent quant à eux à une poursuite de la croissance de la demande pour ces compétences », indique l’étude.
- Recul des besoins compétences cognitives de base
C’est la conséquence de l’automatisation des tâches les plus basiques que va permettre l’IA générative. La demande en compétences cognitives de base pourrait reculer de 13% dans certaines fonctions administratives ou de services à la clientèle. Parmi les compétences les plus menacées, la saisie et le traitement de données, ainsi que la rédaction, le calcul ou les communications simples.
- Situation contrastée pour les besoins en compétences cognitives avancées
Du fait de l’IA générative, les besoins dans les aptitudes quantitatives, statistiques et la rédaction pourraient reculer de 18% à 20% dans les cinq prochaines années. Des aptitudes que l’IA permet de prendre en charge efficacement, d’où son impact négatif sur les besoins en compétences humaines dans ce domaine.
A l’inverse, l’étude souligne que « les aptitudes créatives, la pensée critique, la structuration des problèmes ainsi que le traitement d’informations complexes pourraient voir leur demande fortement renforcée puisqu’associée au besoin d’innovation et de différenciation stratégique. Environ 44 % des dirigeants français interrogés ont d’ores et déjà signalé une pénurie de travailleurs disposant de ces compétences ».
- Accroissement des besoins en compétences relationnelles et émotionnelles
Sans surprise, c’est dans les compétences relationnelles et émotionnelles que le développement de l’IA générative aura le moins d’impact, voire même entraînera une hausse de la demande de la part des entreprises. « Les compétences relationnelles et émotionnelles (leadership, empathie) seront requises par la conduite du changement et la prise en charge de nos aînés. L’adaptabilité et l’esprit d’entreprise seront mis en avant, dans une économie de plus en plus complexe et incertaine qui exigera de piloter et d’accompagner sur le plan humain des transformations majeures », indique l’étude.
- Poursuite de la demande en compétences technologiques
Que ce soit en matière de compétences en programmation et informatiques avancées, en recherche scientifique et développement, ou en conception, ingénierie et maintenance complexe, les besoins en compétences vont rester à un haut niveau à horizon 2030. Une situation qui s’explique, en partie, par une pénurie de main d’œuvre persistante dans de nombreux métiers en lien avec ces secteurs. Plus surprenant peut-être, la demande de compétences informatiques de base devrait continuer à croître, de l’ordre de 7%. En revanche, les besoins en compétences analytiques et mathématiques avancées devraient se réduire dans les prochaines années.
Montée en compétences, recrutement ou externalisation
Face à ces changements dans les besoins en compétences et les centaines de milliers de mobilités professionnelles qui en découleront, les entreprises françaises vont devoir s’adapter, que ce soit à travers la montée en compétences et la requalification d’une part de la main-d’œuvre déjà en poste, le recrutement de nouveaux talents ou l’externalisation.
« Le déficit de talents auquel elles font déjà actuellement face les pousse à privilégier la première approche, laquelle pourrait concerner 31 % des effectifs actuels. Le recrutement externe ressort comme la deuxième piste la plus considérée et constitue même l’option privilégiée pour les postes qualifiés et hautement qualifiés. Enfin, l’externalisation (prestataires, intérimaires, freelances) est vue comme une solution d’appoint, avec l’atout de la flexibilité », conclut l’étude.